Publié le samedi 19 septembre 2020 dans « Écrire un roman »
Et voilà que je viens de débattre avec un ami écrivain sur l’importance des titres de chapitre dans un roman. Je vous expose l’objet de la dispute : sur l’ensemble de mes quatre romans, j’en ai mis ; lui n’en a pas mis, ou uniquement des numéros (chapitre 1, chapitre 2, etc.). Alors en rentrant à la maison, j’ai fouiné un peu sur le Web afin de voir si je pouvais trouver des informations sur le sujet. Et là, je suis tombé des nues : je trouve une flopée d’articles inconsistants avec beaucoup de moi je… sans plus de détail. La plupart des écrivains se content de dire « moi, j’en mets » ou « moi, je n’aime pas en mettre ». Une écrivaine disait : « moi, je n’aime pas en mettre, car un titre divulgue le contenu du chapitre ». N’avez-vous pas d’imagination madame ?
Alors !
Les chapitres font partie de ces éléments structurels auxquels vous ne pensez probablement pas beaucoup tant que vous n’en êtes pas à l’étape de la division de votre roman en sections. Mais une fois que vous en arriverez à cette étape, vous vous demanderez :
Qu’est-ce que les chapitres apportent de toute façon ?
Les chapitres donnent à votre lecteur un répit mental. Les sauts de chapitre permettent au lecteur de digérer tout ce qui s’est passé dans cette section du roman.
Considérez les chapitres comme des mini-jalons affichés tout au long de votre histoire. Chaque étape signifie que le lecteur fait un pas de plus vers la conclusion de l’histoire, et cela peut être à la fois satisfaisant et motivant.
Les chapitres sont également pratiques. Vous demandez au lecteur de rester avec vous à travers un roman de plus de deux-cents pages. Peu importe à quel point il est envoûtant, il est assez rare pour le lecteur moyen de tout consommer en une seule séance. De nombreux lecteurs utilisent les sauts de chapitre comme une occasion de rompre et de faire autre chose : dormir par exemple lorsque l’horloge sonne 2 heures du matin !
Cela dit, les chapitres ne sont pas obligatoires. Vous trouverez peut-être que ne pas mettre de chapitres à votre roman ajoute à l’ambiance générale. « La route », le roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy en est un excellent exemple. L’absence intentionnelle de chapitres alimente la morosité générale ainsi que la mouture sans fin de l’histoire.
Votre première ébauche n’est pas le moment idéal pour réfléchir à la structure des chapitres. Bien que je sois un grand fan des plans et de la planification, je suis également partisan du « tout mettre à plat » afin de sortir une bonne fois pour toute l’histoire de ma tête.
Lorsque vous rédigez votre premier brouillon, ne vous inquiétez pas de diviser votre histoire en chapitres, sauf si des titres de chapitre vous viennent naturellement en tête. Ne coupez pas volontairement cette sorte communication avec l’au-delà, vous savez, celle qui vous envoie pêle-mêle toutes ces formidables histoires qui hantent votre tête au réveil. N’ayez pas peur de vous laisser guider. Bref… il y a de fortes chances pour que tout ce que vous écrivez dans votre premier brouillon soit mélangé, divisé et ajouté à d’autres sections, s’il n’est pas complètement jeté et recommencé. Vous voyez de quoi je parle…
Si vous verrouillez votre récit en chapitres trop tôt dans le processus d’écriture, vous étoufferez votre créativité.
Attendez plutôt d’être en phase d’édition pour réfléchir à la structure de votre histoire. C’est pendant la phase d’édition que vous êtes le plus efficace pour corriger le flux, le rythme et la logique. Une fois que vous connaissez l’histoire de base, les personnages et les principaux points de l’intrigue, vous pouvez organiser le roman en chapitres afin de le rendre passionnant, de le magnifier et de diriger le lecteur à votre convenance dans cet ensemble de mots.
Et du coup pour vos chapitres…
Je vais tâcher d’apporter quelques éléments de réponse à cette question qui, je pense, a dû turlupiner plus d’un écrivain. Certains la mettraient au même niveau que d’autres questions purement existentielles telles que : « Sommes-nous seuls dans l’Univers ? », « Que se passe-t-il après la mort ? », « Est-ce que Dieu existe ? » … Bon d’accord, n’exagérons rien !
Lorsque vous décidez d’écrire un roman, vous vous débattez avec les personnages, l’intrigue, les paysages, les points de vue et tous ces éléments fantastiques qui rendent votre histoire fascinante à lire et amusante à écrire. Ce à quoi vous ne pensez peut-être pas beaucoup, c’est l’anatomie de votre roman. Il est facile de négliger les éléments techniques et structurels de votre roman. La structure de votre roman est-elle importante de toute façon ?
Absolument ! Chaque élément technique, du chapitre à la ponctuation, en passant par la longueur des phrases, alimente votre narration.
Pour maîtriser l’écriture du roman et offrir une expérience de lecture exquise, vous devez réfléchir aux moindres détails – du choix des mots aux titres des chapitres – car tout compte.
Aussi étrange que cela puisse paraître, vous pouvez affecter le niveau d’engagement du lecteur simplement en divisant votre roman en chapitres. C’est, chers amis lecteurs, ce dont nous discuterons dans cet article.
Ne pas titrer les chapitres, c’est laisser le lecteur dans l’incertitude : on ne dévoile rien. Mieux que ça : on ne prend pas le risque de dévoiler l’intrigue, on ne trompe pas le lecteur avec un titre trop provocateur. On ne le déçoit pas aussi. En somme, on ne joue pas avec lui. Avoir simplement un nombre ou même juste un espace crée un battement plus neutre.
Ne pas titrer, c’est la neutralité.
Il faut savoir que le titrage de vos chapitres est une préférence personnelle et n’est pas obligatoire. Si vous le souhaitez, vous pouvez simplement utiliser des nombres pour désigner différents chapitres. Mettre des numéros permet au lecteur de faire un break dans l’histoire. Il peut aussi annoncer un changement de décor, de temporalité, de point de vue, sans plus d’indications.
J’ai remarqué – mais je me trompe peut-être – que les titres de chapitre sont l’un des éléments qui contribuent au sentiment d’une voix narrative forte : on nous fait sentir qu’il y a un narrateur qui raconte l’histoire. Le récit est à la troisième personne. Ce style peut paraître quelque peu démodé aujourd’hui, surtout chez les auteurs qui veulent supprimer la voix du narrateur en faveur de la voix du personnage. Ils s’expriment alors à la première personne : le personnage principal et l’auteur/écrivain ne font qu’un. Un bon exemple est « Six ans déjà » de Harlen Coben, où l’auteur se met à la place de Jake, le protagoniste, et s’exprime à la première personne. Les chapitres ne sont que de simples numéros.
Cependant, je peux citer une ribambelle de contre-exemples :
Ken Follett dans « La Nuit de tous les Dangers » s’exprime à la troisième personne et ne titre pas. Idem pour George Orwel et son « 1984 », ainsi que René Barjavel avec « Ravage ».
Pour la fiction, vous devez vous préoccuper de peindre l’image aussi vivante que possible dans l’esprit de votre lecteur.
L’injection de titres dans le flux narratif a pour effet d’annoncer qu’une histoire est racontée. Mais si la voix narrative peut paraître quelque peu démodée, certains des livres les plus populaires aujourd’hui, comme les Harry Potter ou les Michael Crichton, ont une voix narrative très précise et titrent les chapitres.
Après l’observation d’un certain nombre de livres présents sur mes étagères, je note que les titres sont plus courants dans les livres pour enfants que dans les livres pour adultes, et les livres pour enfants ont tendance à avoir une voix narrative plus distincte… Les histoires avec des titres de chapitre ont tendance à être des histoires racontées par un conteur. « Il était une fois… ». C’est le choix que j’ai fait pour mes quatre romans. Oui, j’aime conter, j’aime raconter, même s’il n’est pas exclu que je fasse le choix de ne pas mettre de titre de chapitre dans un cinquième roman…
Pour le moment, en tant que conteur, j’aime écrire à la troisième personne et je pense que des titres de chapitre bien écrits peuvent vraiment ajouter beaucoup à une histoire pour plusieurs raisons.
Premièrement, les titres offrent à vos lecteurs un aperçu de l’histoire dans son ensemble. Deuxièmement, il y a beaucoup de choses amusantes que vous pouvez faire avec les titres de chapitre (nous en reparlerons plus tard). Troisièmement, ils vous aideront – en tant qu’écrivain – à connaître votre histoire et, enfin, s’ils sont bien utilisés, ils peuvent rendre vos lecteurs plus curieux de savoir ce qui se passera plus tard dans l’histoire.
Alors, sans plus tarder, voici quatre façons de trouver de bons titres de chapitres :
Un mot punchline : c’est la façon la plus évidente d’écrire un titre de chapitre, mais assurez-vous de trouver quelque chose d’un peu plus inventif que d’utiliser simplement des mots-clés. Idéalement, le ou les mots qui résument votre chapitre devraient avoir un double sens d’une certaine sorte (par exemple, un des chapitres de « Loumina » s’intitule « Là où Amaëlle était enterrée »).
De même, utiliser une courte citation d’un dialogue peut être un bon moyen de trouver un titre de chapitre. Ceci est particulièrement utile si la citation a une signification légèrement différente, en soi, que dans le contexte de votre histoire.
Nommer une ou deux choses qui apparaissent dans votre chapitre peut également être un bon moyen de trouver un titre de chapitre ; surtout si c'est quelque chose d’intrigant ou d’inhabituel.
Cela peut être fait sérieusement ou pour rire, mais cela peut vraiment ajouter un sentiment de mystère et de grandeur à vos titres de chapitre. De plus, de nos jours, vous pouvez simplement utiliser un moteur de recherche pour trouver de vieux mots plutôt que d’avoir à parcourir un thésaurus.
Cela ne fonctionnera probablement pas pour chaque chapitre, mais c’est une technique qui peut être utile (par exemple, un des chapitres de « Léa, la petite princesse terrienne » s’intitule « Arena mortifero », qui peut être traduit par « sable mortel » en latin.)
L’utilisation de noms de lieux pour les titres de vos chapitres peut être un bon moyen d’introduire un nouvel emplacement dans votre histoire, surtout s’il a un nom légèrement inhabituel. De même, il peut également être utilisé pour ajouter un sentiment de mystère à votre chapitre.
De même, vous pouvez également introduire un nouveau personnage en utilisant son nom ou une de ses caractéristiques comme titre du chapitre où il fait sa première apparition.
Par exemple : « Le petit louminien » dans le roman « Loumina », chapitre dans lequel j’introduis Qâa, un jeune garçon de la planète Loumina. Ou encore « Petit mousse » dans le roman « L’Enfant Loup », chapitre dans lequel j’introduis le personnage d’Asim, un jeune mousse à bord d’un bateau de la compagnie P&O en partance pour les Indes.
Il est tout à fait possible de divulguer le contenu principal ou l’événement majeur d’un chapitre en l’annonçant dans son titre.
N’ayez pas peur de jouer avec les nerfs de vos lecteurs.
Par exemple, un des chapitres du roman « Loumina » s’intitule « La mort de Qâa ». Un titre plutôt explicite ! Voilà que soudain, au trois-quarts du livre, alors qu’à la fin d’un chapitre on pense à poser le roman sous l’oreiller et à fermer ses paupières, on nous annonce qu’un des personnages, même s’il n’est pas le plus important, va mourir. Oui messieurs-dames, un des personnages auquel on s’est attaché va mourir.
Comment songer à refermer le bouquin dans ces conditions ? Comment penser à dormir alors que notre cerveau va être hanté par la façon dont ce pauvre malheureux va mourir ? Va-t-il vraiment mourir d’ailleurs ?
Dans ce cas précisément, l’important n’est pas de savoir qu’il va mourir, mais de savoir comment, ou pourquoi. Un procédé amplement utilisé en littérature, mais aussi dans les films…
Le film Laurence d’Arabie commence par la mort accidentelle de Thomas Lawrence, un accident de moto en l’occurrence. Cela rend la suite d’autant plus intrigante… Combien d’histoire annonce la fin… au début !
Il n’y a pas de vrais critères pour les titres de chapitre, car avec la plupart des histoires écrites, vous pouvez faire ce que vous voulez. De même, il n’y a aucune raison d’en avoir si vous ne le souhaitez pas.
Cela dit, si vous choisissez de mettre des titres de chapitre, c’est probablement une bonne idée de les garder courts et succincts (pas plus de six ou sept mots environ).
La plupart des auteurs les utilisent pour taquiner le lecteur avec une description vague de ce qui va arriver, par exemple un mot faisant référence à une chute pour un chapitre dans lequel un ou plusieurs personnages échouent à faire quelque chose de façon spectaculaire. D’autres prennent simplement une phrase du chapitre qui attire la curiosité et l’utilisent comme titre. Ils doivent toujours être appropriés, même s’ils ne donnent pas toujours au lecteur l’impression initiale la plus précise.
J’espère que cet article pourra vous aider à faire votre choix. Mais quel que soit le choix que vous ferez, ce sera le bon…
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Rodrigue MBIDA Posté le lundi 19 août 2024 à 11:32:43 Merci pour ce partage. J'en suis édifié. Grandement édifié. | |
Ahmed Posté le mardi 29 mars 2022 à 19:50:56 Je viens de lire le pour et le contre du chapitre titré et je vous remercie pour vos éclaircissements. |
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