J’arrive à la galerie d’art à 9h30 précises, le pas vif et l’esprit déjà plongé dans la journée à venir. Derrière le comptoir de la réception, Ploy, penchée sur son ordinateur, lève brièvement les yeux vers moi, et son visage s’éclaire d’un sourire radieux. Elle est coiffée d’un chignon relevé, délicatement arrangé, avec quelques boucles souples qui tombent le long de ses joues. Ses yeux, grands et expressifs, me font penser à ceux d’une biche, attentifs et curieux, tandis que son sourire gourmand semble inviter à la confidence.
Ploy a vingt-six ans, soit trois de plus que moi, mais son visage conserve une fraîcheur étonnamment enfantine. Son élégance naturelle s’affirme dans son tailleur bleu foncé, parfaitement ajusté, qui souligne sa silhouette grande, fine et élancée. Malgré cette allure sûre, une certaine timidité transparaît dans ses gestes, comme si elle hésitait à se dévoiler pleinement. Elle me paraît si douce, si réservée. En l’observant, je ne peux m’empêcher de me demander si, derrière cette innocence apparente, elle a déjà eu une relation avec une femme, elle qui se revendique lesbienne…
En me voyant, elle me fait un discret signe de la main pour m’inviter à la rejoindre. Une fois à ses côtés, mon regard s’attarde un instant sur sa bouche pleine, souriante, dotée de dents blanches et parfaitement alignées. Je me surprends à contempler le petit grain de beauté posé tout près de la commissure droite de ses lèvres. Elle me saisit les mains avec une tendresse presque fraternelle, et sa voix, douce et rassurante, résonne comme celle d’une grande sœur ou d’une confidente. Elle n’ignore pas que je n’ai que vingt-trois ans, et que je suis plus jeune qu’elle ; pourtant, dans l’ordre des choses, c’est elle mon employée, et moi sa responsable.
En sentant la chaleur douce et réconfortante de ses mains dans les miennes, un frisson furtif me traverse le corps. Un instant, je l’imagine nue, les cheveux lâchés, à quatre pattes sur un canapé, les jambes écartées, sa croupe offerte à mon regard affamé. Je la vois jouir, son corps tremblant, les ongles plantés dans le tissu, les yeux clos, le visage crispé, la bouche ouverte sur un ultime cri de plaisir… Et une pensée furtive s’insinue : j’aimerais bien coucher avec elle, lécher ce petit grain de beauté près de ses lèvres, sentir sa langue s’enfoncer dans ma bouche…
Je sens aussitôt le rouge monter à mes joues, trahissant ce désir insensé. Je baisse les yeux, me demandant silencieusement si j’ai l’air ridicule à rougir ainsi, prise au piège de mes propres fantasmes.
D’un ton détaché, comme si elle ne s’était pas rendu compte des palpitations de mon cœur, Ploy me dit que ma tante m’a apporté du durian. Elle a posé le fruit sur la table de la cuisine, dans la partie réservée aux employés de la galerie.
Intriguée, je m’y rends. Sur une étagère, enfermés dans un grand tupperware, trône les cinq quartiers du durian, débarrassé de sa coque épineuse et redoutable.
Le durian est un fruit célèbre en Asie du Sud-Est, réputé autant pour son odeur puissante et singulière, à la fois douce et âcre, que pour sa chair onctueuse et délicate. On l’appelle souvent le « roi des fruits », tant pour son goût unique que pour ses vertus. Certains disent même qu’il est aphrodisiaque, stimulant les sens et éveillant le désir par sa richesse en nutriments et son arôme envoûtant.
Je ne résiste pas à la tentation. Je plonge mes doigts dans cette chair d’une richesse incomparable puis les porte à ma bouche. Sa texture rappelle celle d’une crème pâtissière dense, onctueuse et fondante. La première impression est sucrée, presque vanillée, avant de se nuancer de notes plus complexes : des touches d’amande, parfois de caramel beurré, une pointe de noisette grillée. Et puis, soudain, une subtile amertume de café apparaît, comme un arrière-goût discret mais persistant, qui équilibre la douceur et apporte au fruit une profondeur inattendue. C’est ce contraste, entre volupté sucrée et amertume élégante, qui fait du durian un plaisir à la fois déroutant et inoubliable. D’un geste presque instinctif, je referme la boîte, consciente qu’avec ce fruit, plus on en goûte, plus il devient difficile de s’arrêter.
Mon téléphone vibre soudain dans ma poche. Je le sors et découvre un message d’Alex : il me demande si l’on peut se voir. Je reste un instant songeuse, le regard fixé sur l’écran, puis je décide de lui proposer de passer chez moi à dix-huit heures. Je lui promets une initiation à la dégustation du durian, ce fruit dont j’aime tant surprendre les néophytes. Je lui envoie aussitôt la géolocalisation de ma maison.
Sa réponse ne se fait pas attendre : « À ce soir. »
Je range mon téléphone dans la poche de mon pantalon de jogging lorsque soudain, Ploy apparaît dans l’embrasure de la porte, son sourire angélique illuminant son visage. Elle me demande si j’ai trouvé le durian. Je la trouve si belle, radieuse. Au fond de moi, je sens que ce prétexte masque autre chose : une envie de me voir, de se rapprocher.
Je ne sais pas si c’est le pouvoir aphrodisiaque du durian qui agit en moi, mais le désir de sentir ses lèvres contre les miennes m’enflamme. Une idée naît et je lui propose, un peu taquine, de goûter ce fruit ensemble.
Elle s’avance vers la table de la cuisine, et j’ouvre lentement le tupperware. Je prends un gros morceau de cette liqueur blanche, épaisse et sucrée, entre mes doigts, et je les tends vers sa bouche.
Surprise, ses grands yeux de biche s’agrandissent encore, ses lèvres frémissent, passant d’un sourire à une expression sérieuse, consciente de ce qui va venir. Elle ouvre la bouche, engloutit mes doigts et les suce avec un délice évident.
Je retire mes doigts, les lèche langoureusement pour recueillir chaque trace de saveur, puis je reprends un morceau de durian pour renouveler le geste.
Puis, sans prévenir, ma bouche s’élance vers la sienne. Nos lèvres s’assemblent dans un baiser goulûment affamé. Nos langues s’entrelacent, se cherchent, se mordillent parfois, explorant cet espace humide avec une intensité presque vorace. J’aspire son souffle, la chaleur de son haleine mêlée à la mienne. L’arôme persistant du durian s’imprègne dans nos bouches, ajoutant au feu qui grandit en nous.
Pour la suite des évènements, c’est moi qui dois prendre les devants, je suis la chef, sa supérieure. Alors sans prévenir, je la pousse vers la porte de la cuisine, la ferme en toute hâte et tourne la clé dans la serrure : je ne voudrais pas qu’on nous surprenne.
Je plaque Ploy contre le mur à côté, la retourne presque brutalement, sa jupe remonte sous mes mains. À genoux derrière elle, je fais glisser sa petite culotte transparente le long de ses jambes. Elle se cambre, voluptueuse, m’offrant sa croupe parfaite.
Ma langue plonge dans son vagin parfaitement rasée, humide à souhait, exhalant son désir brûlant. Je me gorge de son jus sucré, aspirant chaque goutte, chaque perle de plaisir. Mon exploration s’étend à son anus que je lèche, caresse, aspire avec soin et passion, écartant sa corolle, pénétrant cette entrée interdite pour la titiller, la rendre folle de désir. Ploy tressaille, émet des gémissements étouffés, ses ongles griffent le mur, elle se cambre sous mes coups de langue ardents.
Je continue inlassablement, les lèvres et la langue en feu, excitée par ses réactions, par la douceur et la chaleur de sa chair offerte. Puis soudain, elle éclate en une série de petits cris, qu’elle essaie de retenir en se couvrant la bouche avec la main. Son corps se tend, tremble, secoué par la force de son orgasme, dense et puissant. Je suis là, à l’écoute, témoin emporté de sa jouissance.
Je me relève, la prenant dans mes bras, et nos bouches se retrouvent pour un baiser ardent et profond, empreint de toute la passion que nous venons de partager.
Quand nos souffles se calment, je murmure à son oreille :
— Remets ta culotte et repars travailler. La prochaine fois, c’est toi qui me feras jouir.
Ploy ne dit rien. Elle se rhabille en silence, puis s’éclipse, me laissant seule, encore haletante dans la cuisine. Je tente d’apaiser ma respiration, et une pensée me traverse : ai-je eu tort de coucher avec elle ? On sait bien que ce n’est jamais une bonne idée de s’envoyer en l’air avec une employée, surtout sur le lieu de travail. Mais elle est si jolie, si fraîche, si innocente…
Dehors, la pluie éclate, violente, martelant le toit et les vitres.
Je glisse un dernier bout de durian dans ma bouche, savoure encore, avant de refermer le tupperware. Il faut que j’en garde pour Alex ce soir.