La question pourrait sembler triviale, presque vieille comme l’imprimerie : vaut-il mieux lire sur du papier ou sur une liseuse ? Mais derrière cette alternative se cachent des choix de confort, d’écologie, d’économie, d’ergonomie et d’usage, et, depuis quelques années, l’offre matérielle a considérablement évolué. Cet article examine, de manière pratique et nuancée, les forces et faiblesses de chaque support, puis dresse un panorama des liseuses et « tablettes papier » marquantes en 2025. L’objectif : vous aider à décider selon votre profil de lecteur.

1. Lecture sur papier : ce qui la rend irremplaçable
Le toucher, la mémoire et l’attention
Le papier offre une expérience sensorielle : la texture, le poids du livre, l’odeur de l’encre, le bruit des pages. Ces sensations ne sont pas anecdotiques : pour beaucoup de lecteurs, elles participent à la mémoire de ce qu’on a lu. Tourner une page, repérer visuellement et physiquement où se situe un passage (milieu du livre, tiers, coin supérieur gauche) aide à se repérer mentalement, un repère difficile à reproduire dans le monde numérique.
Lecture profonde et immersion
Pour des lectures longues, littéraires ou universitaires, le papier favorise souvent une lecture plus « lente » et réfléchie. Les interruptions (notifications, tentations de basculer vers une application) sont absentes, ce qui aide l’attention prolongée et la concentration.
Annotation intuitive
Annoter sur papier (surligner, griffonner en marge, replier un coin) est immédiat, organique. Pour certains auteurs, chercheurs ou étudiants, rien ne remplace la liberté d’annoter physiquement un exemplaire.
Inconvénients du papier
Malgré ses qualités, le papier a des limites évidentes : encombrement (bibliothèques qui débordent), coût d’achat et de stockage, poids lors des voyages, accessibilité (imprimerie et distribution) et moindre souplesse ; par exemple, impossible de modifier un texte déjà imprimé, difficile d’agrandir la taille des caractères pour des déficiences visuelles (sauf éditions adaptées).
2. Lire sur une liseuse : forces et faiblesses
Les avantages majeurs
- Portabilité et capacité
Une petite liseuse peut contenir des milliers de titres. Pour les voyageurs, les étudiants et les lecteurs voraces, c’est un atout majeur : toute une bibliothèque tient dans un appareil léger. - Confort de lecture (écran e-ink)
Les écrans à encre électronique (e-ink) reproduisent un contraste proche du papier et ne sont pas rétroéclairés comme les écrans traditionnels. Les modèles modernes offrent un bon rendu du texte, lisible en plein soleil, et une lumière frontale réglable pour la lecture nocturne, ce qui réduit la fatigue oculaire relative comparée aux écrans LCD. - Personnalisation du texte
Taille des caractères, interlignes, polices adaptées, marges : ces réglages rendent la lecture plus accessible aux personnes malvoyantes ou à celles qui préfèrent des corps de texte plus grands. - Fonctionnalités avancées
Recherche dans le texte, dictionnaire instantané, prise de notes numérique, synchronisation de signets, accès à des librairies et à des bibliothèques (prêt d’ebooks) : ces fonctions modifient radicalement l’usage que l’on peut faire d’un livre. - Économie sur le long terme
Selon vos habitudes, l’achat massif d’ebooks peut être rentable (promotions, abonnements, livres gratuits du domaine public). Sans compter la faible consommation énergétique d’une liseuse sur une longue durée (des semaines entre deux recharges).
Les inconvénients
- Qualité sensorielle réduite
Même avec un excellent e-ink, l’expérience ne confère pas le même plaisir tactile qu’un livre relié ; les lecteurs attachés aux sensations matérielles s’en trouvent frustrés. - Verrouillage par les écosystèmes
Certaines liseuses (notamment celles d’Amazon) impliquent d’être dans un écosystème : achats, gestion des droits numériques (DRM) et formats peuvent rendre la portabilité des fichiers plus complexe. - Limitations pour le « deep reading »
Pour des lectures universitaires lourdes (PDF annotés, mise en page complexe), la liseuse peut montrer ses limites, selon la taille d’écran et les capacités d’annotation. Les modèles « paper-tablet » haut de gamme atténuent cela, mais à un coût élevé. - Obsolescence et réparabilité
Comme tout appareil électronique, une liseuse peut tomber en panne, vieillir logiciellement, ou voir son constructeur cesser les mises à jour. Le papier, lui, reste lisible tant qu’il existe une paire d’yeux et une main.
3. Impact environnemental : lequel est « plus vert » ?
Comparer l’impact écologique du papier et de la liseuse n’est pas simple : il faut prendre en compte la production du papier (abrasion forestière, eau, énergie), l’impression, le transport, puis la durée d’usage du livre ; pour la liseuse, il faut intégrer l’extraction des matériaux, la fabrication électronique, l’énergie grise et la durée de vie de l’appareil.
Des études montrent que si une liseuse est utilisée intensément (lire suffisamment de livres numériques sur plusieurs années), elle peut compenser l’empreinte carbone de sa fabrication par rapport à l’achat répétitif de livres papier. Mais cela dépend fortement du nombre de livres lus par an, de la longévité de l’appareil et des pratiques de recyclage. En clair : une liseuse peut être plus écologique à condition d’une utilisation soutenue et d’une bonne durée de vie. (Pour un comparatif chiffré précis, il faut consulter des études d’analyse du cycle de vie qui varient selon les hypothèses.)
4. Pour quels profils de lecteurs, quelle recommandation ?
- Lecteur nomade et vorace : la liseuse est souvent la meilleure option (poids, espace, accès instantané).
- Amateur de beaux-livres, d’objets : le papier conserve une supériorité esthétique et sensorielle.
- Étudiant/chercheur : dépend du format. Pour les PDFs annotés et les gros documents, les grandes tablettes e-ink (10"+) ou les tablettes « paper-tablet » sont préférables ; pour les manuels et romans, une liseuse suffit.
- Personne avec problèmes de vision : liseuse – réglage de police et contraste – peut énormément améliorer l’accès à la lecture.
- Lecteur « déconnecté » recherchant la concentration : le papier reste la meilleure garantie d’absence d’interruptions.
5. Panorama des liseuses en 2025 : modèles et tendances
L’univers des liseuses a explosé en diversité : des appareils compacts 6" dédiés au roman aux grandes « paper-tablets » couleur et stylet qui visent la productivité (prise de notes, annotation de PDF). Voici un panorama des familles et des modèles marquants en 2025, avec leurs atouts et contraintes.
5.1 Amazon Kindle (gamme 2024–2025)
Amazon a consolidé sa gamme Kindle. Paperwhite reste le modèle « grand public » idéal pour la lecture, tandis que la Scribe (version Gen 2) vise les usages mixtes lecture + écriture avec stylet. Amazon a aussi introduit des modèles avec écran couleur (Colorsoft) pour concurrencer Kobo sur le segment bandes dessinées/BD et contenus illustrés. Les Kindle continuent d’offrir un écosystème riche (store Amazon, Whispersync) et des tarifs agressifs.
Points forts : intégration Amazon (acheminement, abonnements), qualité logicielle, modèle Paperwhite excellent rapport qualité/prix.
Limites : écosystème fermé, formats et DRM parfois contraignants.
5.2 Rakuten Kobo (Clara, Libra Colour, Elipsa 2E, Sage)
Kobo mise sur la diversité et l’ouverture (support natif d’EPUB, intégration des prêts de bibliothèques via OverDrive). En 2025, sa gamme comprend des appareils 6–7" pour la lecture légère (Clara, Libra Colour avec option couleur), et des modèles 10+ pouces comme l’Elipsa 2E qui visent la lecture intensive et la prise de notes (stylet, 32 Go de stockage). Kobo se positionne comme un choix alternatif solide à Amazon, notamment pour les lecteurs européens.
Points forts : compatibilité EPUB, intégration bibliothèques, diversité de formats.
Limites : certains modèles « tablette » ont connu des retours mitigés sur la robustesse ou le SAV selon des témoignages.
5.3 Onyx Boox (Note Air 3, Note Air 3C, Palma2, Go 10.3 …)
Onyx (Boox) propose une large gamme destinée aux utilisateurs « power ». Les appareils tournent souvent sous Android, autorisent l’installation d’apps (Play Store) et proposent des écrans allant du 6" au 13", en noir et blanc ou en couleur (Kaleido/Gallery). Le Note Air 3 et ses variantes (y compris les versions couleur) sont plébiscités pour la prise de notes, la polyvalence et le support d’applications tierces, idéaux pour qui veut un appareil quasi-tablette mais à encre électronique. Le Palma2 illustre la miniaturisation poussée (format smartphone-like) avec Android complet.
Points forts : extrême polyvalence, prise de notes avancée, compatibilité apps.
Limites : prix parfois élevés, qualité variable selon les SKU, expérience logicielle moins « polie » que chez Amazon ou Kobo.
5.4 reMarkable (reMarkable 2, Paper Pro, Paper Pro Move)
reMarkable s’est fait une réputation sur la qualité d’écriture « papier-like ». En 2025, la marque a lancé le reMarkable Paper Pro (grand format couleur 11,8") qui met l’accent sur l’écriture et la prise de notes dans un environnement « sans distraction ». La promesse : un rendu proche du papier et une grande autonomie. Elle propose aussi des versions plus compactes (Paper Pro Move) pour qui veut la portabilité. reMarkable se positionne moins comme liseuse grand public et davantage comme outil d’efficacité pour professionnels et créatifs.
Points forts : expérience d’écriture premium, interface épurée, performances de stylus.
Limites : prix élevé, moins d’intégration directe avec des boutiques d’ebooks, parfois fonctionnalité restreinte hors écosystème reMarkable.
5.5 Autres acteurs notables
- PocketBook, TCL (NXTPaper) et quelques marques chinoises proposent des alternatives souvent très compétitives en rapport qualité-prix.
- BOOX continue d’innover avec des formats variés (y compris smartphone-size) et des versions couleur.
- Les modèles « couleur » (Kaleido/Gallery) se démocratisent : Kindle Colorsoft, Kobo Libra Colour, et variantes Boox montrent que la couleur sur e-ink devient mainstream, utile pour BD, magazines et manuels.
6. Tendances 2025 et ce que cela change pour le lecteur
- Couleur e-ink qui devient utile : les écrans couleur s’améliorent (meilleure saturation, palettes) et trouvent leur utilité réelle pour les bandes dessinées, manuels et documents éducatifs. Ils restent cependant moins nets que le noir et blanc pour le texte dense.
- Convergence lecture/prise de notes : les appareils hybrides (liseuse + stylet) se multiplient ; lecteurs et professionnels cherchent désormais des appareils capables d’annoter PDFs, d’exporter des notes et de servir de carnet. reMarkable, Kobo Elipsa, Boox et Amazon Scribe illustrent cette convergence.
- Android sur e-ink : des fabricants (Boox notamment) intègrent Android pour installer des apps supplémentaires (apps de lecture alternatives, gestion de documents, etc.), augmentant la polyvalence, mais aussi les risques de distraction.
- Formats et écosystèmes : l’ouverture (support EPUB) versus l’écosystème fermé (Amazon) reste un critère majeur. Kobo et plusieurs acteurs européens capitalisent sur l’ouverture tandis qu’Amazon mise sur l’intégration service/price/usage.
7. Conseils pratiques pour choisir
- Budget : pour lire essentiellement des romans, une liseuse compacte (6") milieu de gamme suffit. Pour lire des PDFs, BD ou prendre beaucoup de notes, ciblez les 10" et plus (Elipsa, reMarkable, Boox Note series, Kindle Scribe).
- Écosystème : si vous achetez majoritairement chez Amazon, un Kindle facilite la gestion. Si vous aimez emprunter à la bibliothèque (OverDrive) ou préférez EPUB, orientez-vous vers Kobo ou un appareil compatible.
- Durabilité : privilégiez un appareil avec bonnes mises à jour logicielles et, si possible, une marque qui propose réparation ou pièces.
- Testez la lecture : polices, contraste, réactivité aux pages. La lisibilité du texte (300 ppi vs 200 ppi) est cruciale pour la lecture prolongée.
- Couleur utile ? Si vous lisez des BD, manuels scolaires ou magazines, la couleur e-ink apporte un vrai bénéfice. Pour du roman pur, la couleur n’est pas indispensable.
8. Pas d’idéologie, mais un choix d’usage
Il n’y a pas de réponse universelle. Le papier conserve des qualités sensorielles et cognitives précieuses ; la liseuse apporte une commodité, une accessibilité et des fonctionnalités qui transforment la manière de lire. En 2025, l’éventail des appareils, du Kindle Paperwhite abordable aux grandes tablettes couleur et stylet, permet presque toujours de trouver un compromis adapté : privilégier le papier pour l’objet et la lecture contemplative, opter pour la liseuse pour la mobilité, l’accessibilité et la logistique. Pour beaucoup, la solution la plus pragmatique est… hybride : garder quelques beaux livres papier et confier la lecture quotidienne, les voyages et la prise de notes à une liseuse moderne.