Dans le rêve de tout écrivain, il y a ce moment clé : recevoir un contrat d’édition. Mais l’excitation peut vite se transformer en piège si l’on ne prend pas le temps d’examiner attentivement le document. Car entre les maisons d’édition sérieuses, qui investissent dans leurs auteurs, et les acteurs douteux, qui pratiquent l’édition à compte d’auteur déguisée, la frontière est parfois floue. Alors, que doit contenir un contrat d’édition « valide et honnête » à compte d’éditeur ? Quels sont les pièges à éviter ?

1. Définition et cadre légal
Un contrat d’édition, selon le Code de la Propriété Intellectuelle (article L.132-1), est « le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ».
Cette définition implique deux obligations fondamentales :
- Pour l’auteur : céder ses droits d’exploitation (dans un cadre limité et défini).
- Pour l’éditeur : fabriquer, publier et diffuser l’œuvre, à ses frais et à ses risques.
Un contrat d’édition à compte d’éditeur ne doit jamais exiger que l’auteur paie pour la publication, ni pour un « pack » de services, ni pour acheter un nombre minimum de ses propres exemplaires.
2. Les clauses indispensables dans un contrat honnête
Voici ce que tout contrat sérieux doit comporter :
a) L’identification précise des parties
- Nom et coordonnées complètes de l’auteur.
- Nom et coordonnées de la maison d’édition (avec numéro de SIRET en France).
b) L’objet du contrat
- Titre de l’œuvre (même provisoire).
- Nature du texte (roman, essai, recueil de nouvelles, poésie, etc.).
- Engagement de l’éditeur à publier et diffuser l’œuvre.
c) La cession des droits d’auteur
- Durée de cession : généralement 5 à 10 ans, jamais « à vie » ou sans limite.
- Territoire : France, francophonie, monde, selon accord.
- Langue : français uniquement, ou avec possibilités de traductions (dans ce cas, prévoir une clause spécifique).
- Supports : papier, numérique, audio. Toute extension future doit être spécifiée.
d) La rémunération de l’auteur
- Taux de droits d’auteur : entre 8 % et 12 % du prix public HT pour le papier, parfois un peu plus pour le numérique (20 % à 25 %).
- Avance sur droits : certaines maisons offrent un à-valoir, c’est-à-dire une avance non remboursable.
- Modalités de paiement : reddition des comptes annuelle, avec versement des droits dus.
e) Les obligations de l’éditeur
- Fabrication et diffusion de l’œuvre en nombre suffisant.
- Promotion (même minimale : mention sur le site, présence dans les catalogues, envoi presse).
- Obligation de rendre compte à l’auteur au moins une fois par an (état des ventes, stocks, retours).
f) Les obligations de l’auteur
- Garantir qu’il est bien titulaire des droits.
- Fournir un manuscrit « exploitable » (lisible, complet).
- Collaborer aux actions de promotion (interviews, salons, etc.), sans obligation financière.
g) Les droits dérivés
- Adaptations (cinéma, séries, théâtre, poche).
- Traductions étrangères.
Ces droits doivent faire l’objet d’un contrat ou avenant distinct, avec une répartition claire des revenus (souvent 50/50 entre auteur et éditeur).
h) La résiliation du contrat
Un contrat honnête doit prévoir la possibilité de résiliation :
- Si l’éditeur n’exploite pas l’œuvre dans un délai de 18 à 24 mois.
- Si l’œuvre est épuisée et non réimprimée.
- En cas de manquement grave de l’une des parties.
3. Ce qu’un contrat ne doit jamais contenir
À l’inverse, un auteur doit fuir si le contrat contient :
- Une obligation d’achat de ses propres livres (« vous devez acquérir 200 exemplaires »). -> C’est une pratique d’édition à compte d’auteur.
- Des frais de correction, de mise en page, de couverture, d’impression facturés à l’auteur. -> C’est illégal dans un contrat à compte d’éditeur.
- Une durée excessive ou illimitée de cession des droits.
- Des droits cédés sans limite de territoire ou de supports, par exemple « tous supports connus ou inconnus ».
- Une rémunération trop faible ou absente (par exemple un forfait unique sans droits proportionnels).
- Un manque de transparence sur les redditions de comptes (pas de mention d’un état des ventes annuel).
4. Les clauses optionnelles mais recommandées
Certaines clauses peuvent sécuriser davantage l’auteur :
- Clause de retour des droits si l’éditeur fait faillite.
- Clause de préférence limitée : l’éditeur peut avoir priorité sur le prochain manuscrit, mais seulement pour une œuvre de même genre et pour une durée précise.
- Clause de tirage minimum garanti : par exemple, « l’éditeur s’engage à imprimer au moins 500 exemplaires ».
5. Différences entre compte d’éditeur et compte d’auteur
- Compte d’éditeur : l’éditeur finance tout, rémunère l’auteur, assume le risque.
- Compte d’auteur : l’auteur paie une participation (édition déguisée en service).
- Autoédition : l’auteur publie lui-même, souvent via une plateforme (Amazon KDP, Kobo, etc.).
6. Conseils pratiques avant de signer
- Lire attentivement chaque clause.
- Comparer avec le Code de la Propriété Intellectuelle (articles L132-1 à L132-17).
- Demander conseil à une association d’auteurs (SGDL, SCAM, CPE).
- Ne jamais céder ses droits « pour toujours » ni sans contrepartie financière.
- Privilégier la transparence : un bon éditeur n’a rien à cacher.
7. Télécharger un modèle type de contrat d’édition
Pour accompagner ces explications théoriques, il est souvent utile de consulter un contrat type officiel.
La Société des Gens de Lettres (SGDL) propose un modèle de contrat d’édition conforme au Code de la Propriété Intellectuelle et reconnu par les professionnels du secteur.
-> Télécharger le contrat type SGDL au format .docx
Ce document fournit une base solide et équilibrée, à adapter selon les spécificités de chaque projet éditorial. Il constitue une excellente référence pour vérifier la conformité des clauses proposées par une maison d’édition.
Un pacte équilibré
Un contrat d’édition à compte d’éditeur doit être un pacte équilibré. L’auteur confie son œuvre, l’éditeur investit et prend le risque économique. Tout contrat qui demande une participation financière à l’auteur doit être rejeté. La vigilance est de mise, mais un contrat honnête existe bel et bien – clair, précis, respectueux, garant de la dignité de l’auteur et de son travail.