Follow @UniversLoumina

Écrire des scènes de combat épiques

Publié le dimanche 11 avril 2021 dans « Écrire un roman »


Les scènes de combat sont notoirement difficiles à écrire – ou du moins, la plupart des écrivains les trouvent ainsi. On peut se demander pourquoi !

Parce que tout dans une scène de combat est intensifié. Les enjeux sont énormes, les émotions et l’adrénaline font rage, et l’action se déroule dans des séquences de tir rapide que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans la littérature. Traduire tout cela sur la page tout en équilibrant le rythme de la scène et en poussant les lecteurs sur les bords de leur siège n’est pas une tâche facile.

Mais voici la bonne nouvelle : que vous écriviez un combat à l’épée, une bagarre dans un bar, une mission de tireur d’élite qui a mal tourné ou un duel entre magiciens, j’ai aujourd’hui quelques conseils pratiques pour vous guider dans la création d’une scène de combat vraiment épique.

Écrire des scènes de combat épiques

Identifiez le but de votre scène

Comme toute autre scène, une scène de combat doit servir un but dans le contexte plus large de votre histoire. Elle doit faire avancer l’intrigue, approfondir la construction du monde, préfigurer un événement futur ou développer davantage vos personnages. Elle ne peut exister uniquement pour choquer ou divertir.

Jetez les bases d’un combat nuancé

Il n’y a rien d’intéressant dans une scène de combat qui comporte quelques coups de poing ou parades rapides avant que le bon gars ne gagne inévitablement. Les combats passionnants sont nuancés et réalistes. Ils prennent en compte les compétences et les circonstances pour créer une séquence qui fait battre le cœur des lecteurs.

Quelles sont les forces et les faiblesses de mes personnages dans un combat ? Comment ces traits jouent-ils les uns contre les autres ?

Un personnage est-il rapide tandis que l’autre est doté d’une force brute ? Le premier peut favoriser les armes à longue portée pour éviter un combat au corps-à-corps qu’il perdrait sûrement. Un personnage est-il un combattant passionné mais inexpérimenté alors que son adversaire est un vétéran vantard et sûr de lui ? Le premier peut analyser les défauts de l’autre et les exploiter pour prendre le dessus…

Mes personnages sont-ils en pleine forme physique ? Sinon, pourquoi ? Comment cela affectera-t-il le combat ?

Si votre personnage saigne d’une blessure par balle, il est peu probable qu’il maintienne un semblant d’endurance dans un combat. Si votre personnage vient d’être témoin d’une atrocité, il peut se retrouver sur la défensive, désorienté et léthargique…

Où mes personnages se battent-ils ? Leur environnement affectera-t-il le combat d’une manière ou d’une autre ?

Un terrain surélevé sera toujours avantageux dans un combat. Une foule moqueuse peut causer une grande distraction. Un terrain rocheux peut désavantager le combattant le plus expérimenté, et la lumière du soleil éblouissante ou l’obscurité totale peuvent les laisser désorientés…

Connaissez vos armes

Vous n’avez pas besoin d’être expert en armement ou en styles de combat pour écrire une scène de combat épique, mais vous devez avoir une compréhension de base des outils et des techniques que vos personnages utiliseront. Faites vos recherches. Saupoudrer votre écriture avec une terminologie appropriée (par exemple : coups de poing, parades, coups de pied à la ronde) peut ajouter du réalisme supplémentaire à votre combat, bien que vous souhaitiez peut-être éviter les termes que la plupart des lecteurs ne connaissent pas.

Établissez des enjeux

Si vous voulez que les lecteurs aient une réaction viscérale et palpitante en lisant votre scène de combat, vous devez établir ce que vos personnages ont à perdre.

Souvent, ces enjeux sont d’ordre physique : blessures, décès, emprisonnement, manquement à la protection de la famille ou du pays. Mais les enjeux peuvent aussi être émotionnels. Votre personnage peut perdre une part de son humanité ou la confiance d’un être cher, faire face à un dilemme moral ou souffrir d’intenses douleurs émotionnelles. Établissez immédiatement ces enjeux.

Notez les informations sensorielles importantes

En parlant de langage évocateur, parlons des cinq sens. Parce que les scènes de combat nécessitent un rythme serré, il y a peu de place pour la description au-delà de ce que vit votre personnage selon votre point de vue. Profitez de ces expériences pour attirer les lecteurs au plus profond de la scène :

Exemples tirés du livre « Matriochkas » de Simon Laroche

La vue : Du regard, il mesura la situation, parcourut l’espace et en évalua les distances, traça un plan mentalement…

Le goût : La bave sanguinolente coulant du bord de ses lèvres […] Elle sentit le goût ferreux du sang qui s’écoulait de sa bouche…

L’odorat : Misha le renifla avec voracité, comme pour sentir sa peur […] L’odeur du sang qui les remplissait de haine…

L’ouïe : Il y eut un bruit d’os qui se rompt […] Misha lui broya le cartilage du nez […] Un coup de feu retentit soudain et une balle siffla au-dessus de sa tête…

Le touché : Misha fit une brusque volte-face et lui sabra la gorge du tranchant de sa main […] Quelques tintements résonnèrent quand les deux lames se touchèrent…

Lorsque vous écrivez des informations sensorielles, ne transmettez pas ce que verrait un spectateur. Entrez dans la tête de votre personnage et utilisez des techniques pour aider les lecteurs à visualiser la scène de leur point de vue.

Tout cela peut se faire de manière simple ou en entrant dans les détails. Le tout est qu’à la sortie de la scène, le lecteur ait bien en tête l’issue du combat.

Être peintre, ou chorégraphe

Rester simple (être peintre) ou décrire la scène de combat avec précision (être chorégraphe), les deux solutions ont leurs avantages… et leurs inconvénients.

Être peintre

Une solution est de rester vague, ou flou, et d’en laisser le plus possible à l’imagination du lecteur. Laissez le lecteur chorégraphier votre scène de combat et la magnifier grâce à son imagination. Donnez-lui simplement quelques éléments essentiels du combat et il imaginera sa propre scène de manière viscérale. La chorégraphie du combat peut être exacte dans votre tête, mais vous ne pouvez pas forcer le lecteur à voir la même chose – nous ne sommes pas dans un film –, à moins d’être extrêmement précis et de faire baver votre plume sur des paragraphes entiers, quitte à lasser le lecteur, ou à l’émerveiller. Contrairement à l’instinct d’un écrivain, le lecteur aura lutté pour brosser un tableau bien plus vivant que de décrire la position exacte des bras et des pieds de chaque combattant.

Le cinéma vous montre ce que vous devez voir, l’écriture vous laisse imaginer…

Croyez-moi, le lecteur a vu suffisamment de scènes de combat à travers les films pour combler les lacunes d’une scène de combat simplifiée.

Donc, si vous ne décrivez pas ce que font vos personnages, comment communiquez-vous l’action ? Parfois, il n’est pas important ou vital de communiquer l’action. Seuls les enjeux et le résultat du combat sont importants. La manière d’arriver à ce résultat peut être superflue.

Exemple de scène de combat abrégée tiré du livre « L’Enfant Loup » de Simon Laroche

« Avec une vitesse étonnante, l’étranger bondit sur le chasseur et le plaqua brutalement au sol. Il se retira en sautillant pour le laisser se relever. […] Le chasseur sourit, la bouche arquée par l’arrogance, puis se releva d’un bond et s’élança à son tour sur son adversaire pour lui décrocher une droite. L’étranger esquiva et dans le même temps lui sabra la gorge. Le souffle coupé, le chasseur posa un genou à terre. Il reprit rapidement ses esprits et lorsqu’il vit l’étranger lancer sa jambe pour lui asséner un coup, il la bloqua de ses deux mains et le projeta à terre. Après quoi, il lui bondit dessus.
Alors qu’ils roulaient ensemble dans la boue, s’entremêlaient, se frappaient à tour de rôle sous le regard effaré des Rana Tharus, on entendit un puissant rugissement… »

Ici clairement, la phrase « alors qu’ils roulaient ensemble dans la boue, s’entremêlaient, se frappaient à tour de rôle » coupe court à la scène. On reste simple, inutile de tout décrire dans les moindres détails. On comprend que l’étranger et le chasseur se battent, mais on va passer à quelque chose de plus important signalé par le soudain rugissement.

Être chorégraphe

L’autre solution est de chorégraphier votre scène, à la manière d’un scénario pour film. Vous voulez la rendre épique. Vous voulez que le lecteur en ressente chaque impact, chaque sens – la vue, le goût, le touché, l’ouïe, l’odorat – et cela avec précision, comme s’il était plongé dans la scène de combat, comme s’il en faisait partie, comme s’il prenait part à l’action, quitte à le choquer, quitte à lui faire peur…

C’est le choix qu’a fait l’auteur Simon Laroche dans une des scènes de son livre « Matriochkas », avec un subterfuge intéressant : il a choisi le lexique des maths pour décrire sa scène de combat. Quoi de plus logique pour un informaticien / mathématicien !

Exemple de scène de combat violente et détaillée issue du roman « Matriochkas »

« Misha ressentit de l’ironie dans sa voix et son regard se modifia diamétralement pour se faire plus dur.
— Détrompez-vous, messieurs, ce n’est pas moi qui suis enfermé avec vous, c’est vous qui êtes enfermés avec moi, formula-t-il calmement tandis qu’un cercle menaçant se formait autour de lui. Il fit quelques pas en méditant sur la manière dont il allait s’y prendre pour les tuer. À mesure qu’il avançait, les autres reculaient comme sous l’influence d’un champ de force invisible, de sorte qu’il se retrouva au centre d’un triangle équilatéral dont chaque angle était formé par un agent.
[…]
Cette perspective ne lui parut pas très alléchante, de sorte que Kalouguine hésita. À cette seconde précise, comme il trépignait d’impatience et que son doigt s’apprêtait à appuyer sur la détente, comme l’agent Molody se préparait à passer à l’action et que l’agent Sorge se dressait pour attaquer, Misha anticipa leurs attaques et se décida à agir.
Avec une rapidité foudroyante alliée à des perceptions aiguisées, il bondit sur le cadet Kalouguine. D’un geste précis, il lui planta le tire-bouchon dans le poignet, ce qui eut pour effet de stopper la pression qu’il effectuait sur la gâchette. Après quoi, le temps de faire demi-tour et en orbitant autour de l’homme, il envoya le bras de sa victime perpendiculairement dans son dos en exécutant une clé d’épaule arrière, de façon à pouvoir à la fois se protéger avec son corps et prendre le contrôle de son arme.
[…]
En parallèle, Misha lui écrasa l’arête du nez d’un revers de main. Il y eut un bruit d’os qui se rompt. Un hoquet étouffé s’échappa de sa gorge et du sang recouvrit rapidement le tapis. À la suite de quoi, Misha récupéra le tire-bouchon toujours enfoncé dans le poignet de sa victime et le planta dans sa tempe gauche pour le relever, puis d’un mouvement circulaire de la main droite, fendit la gorge du malheureux d’une oreille à l’autre.
[…]
L’agent Sorge se remit debout d’un coup de rein. Mû par une explosion de colère subite, il tira de sa ceinture un poignard dont la lame étincela à la lumière. Sa face était répugnante de cruauté bestiale. Considéré sa masse, il se déplaça avec une agilité et une souplesse étonnante. Il atteignit le démon en quelques enjambées seulement et abattit son arme une première fois sur lui. Mais paré chaque seconde à contrer les attaques de l’ennemi, Misha arrêta le coup avec son poignard et quelques tintements résonnèrent quand les deux lames se touchèrent. Sorge ébaucha un mouvement circulaire pour le frapper de nouveau mais Misha contra avec son bras et profita de sa proximité pour frapper du poing – celui qui tenait le tire-bouchon – le corps de son adversaire. La mèche en queue de cochon lui perfora le poumon suivi du côté droit et l’agent Sorge laissa échapper un petit hoquet rougeâtre, mélange de salive et de sang. Profitant de son hébétude, Misha le repoussa violemment vers le bureau de Victor et fit volte-face dans la seconde pour parer l’attaque de l’agent Molody qui, animé par l’énergie du désespoir, l’épaule trouée et sanguinolente, se ruait sur lui avec un cri sauvage. Misha le reçut dans ses bras. Comme il reculait, emporté par l’élan de l’assaillant, il lâcha ses armes et modifia son centre de gravité pour se laisser rouler en arrière, puis d’un coup de jambe porté sous le ventre de son adversaire, le projeta par-dessus lui.
L’agent Molody retomba en parabole sur la première table basse du coin salon dont le plateau en verre éclata en mille morceaux. Il demeura plaqué au sol quelques secondes, le bras suspendu en l’air, les yeux hagards, comme s’il n’eût pas bien compris ce qui lui arrivait, tant et si bien qu’il ne pût parer à l’attaque du démon.
[…]
Misha n’était que pur réflexe, chacun de ses sens en alerte. Il fit quelques zigzags pour qu’on ne pût pas le viser et les balles se perdirent dans les livres de la bibliothèque. Il se précipita sur l’agent Sorge dont la large bouche s’ourlait d’un sourire haineux et fut sur lui en un rien de temps.
Les yeux exorbités de Sorge firent face au démon qui, lui semblait-il, venait de se téléporter tellement sa vitesse avait été fulgurante. Mais résolu à ne plus se laisser surprendre et comme il ne pouvait pas le viser à cause de sa proximité, il jeta son arme et lança son poing en arc de cercle dans sa direction. Toutefois, aussi rapide que fut son attaque, Misha le devança, bloqua son bras et dans un geste d’une précision inouïe, planta son tire-bouchon dans son biceps, puis dans son avant-bras.
[…]
Alors que Misha faisait le tour du meuble pour rejoindre sa victime, Sorge se releva et fit quelques pas dans sa direction à la manière d’un homme ivre louvoyant le long d’un mur. La colère avait accéléré les battements de son cœur et il eut l’espoir de lui porter quelques coups. Mais avant même qu’il ait compris ce qui lui arrivait, Misha l’accueillit par une volée de coups de poing ne laissant dans sa bouche sanguinolente qu’une collection de dents cassées. Sa tête dodelina sur ses épaules et quasi assommé, l’agent pivota sur son axe et s’écroula face contre terre.
Misha enjamba son corps et comme Sorge gisait au sol, mortellement blessé et incapable de bouger, il s’agenouilla auprès de lui. D’un geste presque tendre, il l’attrapa par les cheveux pour lui relever la tête et planta le tire-bouchon sous son menton, à angle droit avec sa mâchoire. Ainsi maintenu, il le souleva à sa hauteur avec une grande force et un râle dû à l’effort fourni. Il le força à lui faire face, car dans ses yeux brûlait en cet instant les flammes de l’enfer. »

Voici un bel exemple de scène de combat entre le personnage de Misha (le démon) et trois agents du KGB. Le lexique des mathématiques utilisé permet au lecteur de visualiser la scène grâce à des schémas et des courbes connus de tous (nous avons tous pratiqué les maths à l’école !). Il lui permet d’avoir une idée précise des trajectoires des poings, des pieds et des corps dans l’espace.

Les maths peuvent aussi être utilisées dans d’autres contextes, comme des scènes de bataille de vaisseaux spatiaux, des scènes de guerre entre deux armées ou encore pour définir les trajectoires des sorts lancés par des magiciens…

Comme le dit notre cher Albert Einstein Lien externe : « La logique vous mènera de A à B, mais votre imagination vous mènera partout. »

Conclusion

Les scènes de combat ne sont en aucun cas faciles à écrire, mais cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas créer une séquence d’action épique avec un peu de patience et de persévérance. Pendant que vous mettez ces conseils en pratique, n’oubliez pas de le faire à votre rythme. La magie de l’écriture se produit souvent dans la rédaction et les scènes de combat ne font pas exception.

Posez une base solide pour votre scène de combat en identifiant son but, ses nuances, ses enjeux et ses rythmes d’action, puis lancez-vous. Ne vous inquiétez pas du rendu de la scène lors de vos premières lectures. Couchez-la simplement sur la page. Vous pourrez personnaliser le style et le rythme de votre scène plus tard lors des modifications. Faites votre meilleur travail à chaque étape du processus et vous écrirez une scène de combat épique que les lecteurs n’oublieront pas de sitôt.

Si vous avez des idées de lexiques à utiliser lors de scènes de combat, comme le lexique du dessin, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires ci-dessous.



Notez cet article
Note : 3.83/5 (6 votes)

Laisser un commentaire

Remarque : en publiant un commentaire ou une question, vous ne serez pas automatiquement averti lorsque d'autres personnes répondront à votre message (comme dans certains autres fils de messages des réseaux sociaux). Veuillez vérifier le fil vous-même si ce sujet vous intéresse.

S’il vous plaît, entrez votre adresse email réelle. Elle ne sera pas affichée avec votre commentaire ou sur le site, mais nous pouvons vous répondre si nécessaire. Les commentaires avec de fausses adresses électroniques peuvent être supprimés.
Les commentaires truffés de fautes d’orthographe et de ponctuation, ainsi que les commentaires n’ayant aucun rapport avec le sujet de la page, seront susceptibles d’être supprimés, conformément à notre politique de commentaires.

Icône Gravatar
Lapinou Posté le vendredi 30 avril 2021 à 17:03:45
Bon article et des exemples percutants qui me donnent des idées. Merci pour toutes ces informations.

©loumina, tous droits réservés 2024.